Le paysage

19/11/09

L’horizon, surligné d’accents vaporeux, semble écrit en petits caractères, d’une encre

plus ou moins pâle selon les jeux de lumière.

De ce qui est plus proche je ne jouis plus que comme d’un tableau,

De ce qui est encore plus proche que comme de sculptures, ou architectures,

Puis de la réalité même des choses jusqu’à mes genoux, comme d’aliments, avec une

sensation de véritable indigestion,

Jusqu’à ce qu’enfin, dans mon corps tout s’engouffre et s’envole par la tête, comme

par une cheminée qui débouche en plein ciel.


Francis Ponge

in  » Pièces « 

paysage123

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Depuis l’enfance j’écris à la lampe d’un son mort

Qui heurte en moi la musique où dormir. Maintenant

La lampe tombe, ma tête tombe. La musique

Se déchire. Des mottes de sons morts mûrissent en moi.

Craquent dans ma peau d’âne. Tapent et frappent.

Il faut tout leur livrer et rouler avec eux dans le peu de terre.


Michèle Finck

in  » L’ouïe éblouie « 

PIC

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Sur la route

18/11/09

Douce détresse de l’automne,

des abois très lointains,

une échauffourée de nuages, comme un remuement

de souvenirs qui se cachent.

Et la lisière des peupliers pour donner figure

à la lumière qui va venir.


André Frénaud

in  » Nul ne s’égare « 

arbre23

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L’initiale

15/11/09

Poussière fine et sèche dans le vent,

Je t’appelle, je t’appartiens,

Poussière, trait pour trait,

Que ton visage soit le mien,

Inscrutable dans le vent.


Jacques Dupin

in  » Gravir « 

dust23

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Donnez-moi…

14/11/09

Donnez-moi une jeune femme avec sa harpe d’ombre

Et son arbuste de sang. Avec elle

J’enchanterai la nuit.


Herberto Helder

in  » Le Poème continu « 

harpiste23

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Le bleu renaît du gris, comme la pulpe éjectée d’un raisin noir.

Toute l’atmosphère est comme un œil trop humide, où raisons et envie de pleuvoir

ont momentanément disparu.

Mais l’averse a laissé partout des souvenirs qui servent au beau temps de miroirs.


Il y a quelque chose d’attendrissant dans cette liaison entre deux états d’humeur

différente. Quelque chose de désarmant dans cet épanchement terminé.


Chaque flaque est alors comme une aile de papillon placée sous vitre,

Mais il suffira d’une roue de passage pour en faire jaillir la boue.


Francis Ponge

in  » Pièces « aile23

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……………

écoute-moi comme on entend la pluie,

sans écouter, écoute-moi parler

les yeux ouverts sur l’intérieur,

assoupie, chaque sens en éveil,

il pleut, des pas légers, rumeurs de syllabes,

l’air et l’eau, paroles qui ne pèsent :

ce que nous étions, ce que nous sommes

les jours et les années, cet instant même,

temps qui ne pèse, lourde peine,

écoute-moi comme on entend la pluie,

……………….


Octavio Paz

in  » L’arbre parle « 

ecoute23


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Il était une fois une petite fille si belle qu’elle mourut


Le rapport qui lie indissolublement la beauté à la mort, lie, de la même façon, la mort

à l’enfance. Là réside entièrement le secret du poème (ou de l’art). Toute beauté

procède des mortes enfances du cœur — du point de rupture de l’unité, du

déchirement de la faute, de la césure et de la faille. Toute beauté naît de la douleur

d’être et porte cette douleur comme la fleur fragile de sa structure. Après seulement

commencent la grammaire des formes et la logique de l’expression. Au

commencement : blessures et brisure, désir du cri, retenue du cri, renoncement au

cri pour une forme plus pure.


Je me disais, comme à propos d’une montagne, la beauté est au versant, là où l’amour

s’est rompu et replié dans sa mémoire jusqu’au vide où le désir le retient.


Claude Louis-Combet

in  » Le petit œuvre poétique « 

fille23

_

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A une morte

10/11/09

……………………………

comme la mer contenue

toute une vie enlacée

et sur les innombrables poitrines des vagues

l’incessant froissement des ours effleurés

………………………….

pourrais-je oublier l’attente comblée

le temps ramassé sur lui-même

le jour jaillissant de chaque parole dite

le long embrasement de la durée conquise

…………………………….



Tristan Tzara

in  » Juste présent « 

vagues23

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Le pont

28/10/09


Il y a une heure où tout se fait abîme. Une

Heure seule entre sommeil et insomnie entre


Bruit et silence entre gémir et crier, une

Où le temps brûle au ralenti au fond des larmes


Et qui se perd comme l’eau des orages ou ces bribes

D’étoffe aux buissons çà et là, une heure seule


Entre les doigts désespérés de l’âge, entre un

Soleil de soie et les prés profonds de juillet,


Une heure entre brume et fatigue, entre la chair

Affamée et l’innocente aventure d’être.


Une heure où l’on se regarde au reflet du Temps

Disparu comme au geste d’effacer au coin


Des yeux les rides, une heure comme un lieu d’ombre

Entre les mots et la mémoire : je passe je demeure.


Lionel Ray

vieillard

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On s’embarquait au bas d’un escalier de planches qui dégringolait la haute berge

glaiseuse ; les branches se croisaient au-dessus de l’étroit chenal d’eau noir ;

on entrait de plain-pied dans une zone de silence plus subtil et comme alerté, ami de

l’eau comme l’est la brume, et que rompait seulement l’égouttement plat et liquide

des pales des avirons relevés. Presque aussitôt venait battre un instant le bordé l’écho

à la fois caverneux et étoffé de la voûte du pont de pierre.


Julien Gracq

in  » Les Eaux étroites « 

rameur23

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Puisque te voici étendue

béante

entre moi et ma mort

tu peux être les deux à la fois

ma mort et ma vie….


Erich Fried
in « Es ist was es ist : Liebesgedichte, Angstgedichte, Zorngedichte « femmort

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Incertitude

25/10/09

la fatigue a des couleurs

comme les saisons. Elle a

ses douceurs et ses éclats,

ses silences. Mais surtout

ce qu’elle permet de voir :

d’une chose à son image,

imperceptible, une sorte

de distance sans distance.

L’incertitude du monde.

Comme un vacillement bref.


Jacques Ancet

in  » Entre corps et pensée « 

reflet23


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……..

Je prends toutes les étoffes selon la chaleur

Les morceaux de vie selon

Ma bien future mort


Je n’étais pas penchée sur le vide

Une femme sur un homme


Qui écrit n’est pas longtemps une jeune fille

Plutôt souvent


Il faut des mots pour se glisser entre eux

Y voir

Aucun n’est vrai tout seul

Heureusement le tumulte ne refuse pas la main

……..

Ariane Dreyfus

in  » Les Compagnies silencieuses « 

couple

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Douceur

22/10/09


Douceur

Je dis douceur


Je dis : douceur des mots

Quand tu rentres le soir du travail harassant

Et que des mots t’accueillent

Qui te donnent du temps,


Car on tue dans le monde et tout massacre nous vieillit…


Guillevic

in  » les noces du goéland « 

millet

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Lumière

20/10/09



Lumière, feuillages, emmêlés sous l’averse,

M’ont aveuglée.

Les arceaux mouillés se cambrent noueux

Dans la fraîcheur –

Poussière où les moineaux

baignent leurs ailes.

Je respire, au-delà des larmes.

Évaporation.


Lise Lefebvre

in  » Respiration des routes  « 

automne23

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le gamin

18/10/09

Foulant les feuilles dorées du ginkgo

Le gamin tranquillement

Descend la montagne


Buson

(1715-1783)

gingko

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Syllabes…

17/10/09

Syllabes déchirées

Entre la lumière
et l’abîme


Dominique  Grandmont

in  » L’Air est cette foule « 

syllabe23

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jusqu’à l’exténuation de toute parole                     parler

jusqu’à l’épuisement                     lire dans la lumière

:

hommes, nous aurions dû être vivants

sous les espèces de l’arbre & de la pierre

:

& vois donc ces visages                 ces traits        –                tout ici s’efface

tout se met à flotter

dans l’indécis

:

seule certitude – le loquet de la glotte

se prolonge & se perd

sans fin

& dans le bol de lumière noire où les constellations font signe

vivre tête renversée                   lire                    lire                   lire               &                 parler

jusqu’à ce que la lumière vire

& que les pierres crient

& les arbres


Jean-Paul  Auxeméry

in  » Les Animaux Industrieux « 

cri23

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Orage

13/10/09

………

tu écrases les arbres

de gouttes noires,

tu tourbillonnes, tu fracasses –

tu as rompu une feuille trop lourde

dans le vent,

accablée,

elle pirouette et plonge,

pierre verte


Hilda Doolittle

in  » Le Jardin près de la mer « 

eclair23

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Ruines

12/10/09

Le vent

invente un chant


Avec ses ruines


Dominique Grandmont

in  » L’Air est cette foule « 

ruines23

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Les sources de la nuit sont baignées de lumière.

C’est un fleuve où constamment

boivent des chevaux et des juments de pierre

en hennissant….


Robert Desnos

in  » Les portes battantes « 

horse23

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Le poids du corps n’est plus semblable, oublié,

presque à l’état d’immobilité dans la marche Le

vol des oiseaux de mer est

exhalé, et nous regardons déjà à l’intérieur ;

les vagues mâchées avec les petits cailloux

et coquillages jusqu’à la limite du sable. Quelle

connivence odorante loin de la corruption

intime  Mais savons-nous encore

où aller Puisque

nous sommes emportés

Que faire si ce n’est fermer

les yeux latéralement,

disjoints face à l’horizon

Pouvons-nous croire au repos

et encore à la présence

Ce moment ressemble à un

enfant qui « n’a pas encore

souri » Un mouvement sans

discernement : deux mains à l’aveu

glette


Mathieu Bénézet

in  » Mais une galaxie « 

cemoment

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Eaux mortes

09/10/09


On n’aperçoit sa propre image qu’à travers des eaux mortes .


Pierre Dhainaut

visage23

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Cette ville…

09/10/09

« cette ville est singulière, redoutable, n’est pas ville d’hommes, mais étrangère de

toujours aux hommes qu’elle porte, échappée, croisant loin, dégagée de tout passé, de

toute emprise humaine, oublieuse, hautaine malgré ses pierres déchues, ses murs

dépouillés de l’emblème des bâtisseurs, poreux, gangrenés, revêtus comme d’un

haillon royal de cette mousse adamantine et rugueuse du sel, qui les exalte dans un

fulgurant scintillement sitôt qu’un rai de clarté filtre entre deux coulées d’ombre.

« ici on ne patine plus les murs à s’y adosser longtemps les soirs d’été, il n’y plus d’été

mais la réclusion dans un demi-sommeil inquiet, humide, flottant aux abords d’une

aube immuablement sertie dans l’hiver, et les jardins qui s’ensauvagent sécrètent

leurs propres ténèbres, parfois ponctuées de fluorescences vertes, furtives, rats,

chouettes, chiens errants

[…]

« c’est une ville aveugle, qui descend éperdument vers la mer, et quand j’étends les

bras, elle roule avec moi d’un horizon l’autre, elle tangue, s’éploie, chancelle au bord

de fleuves rouges, dans la rumeur épaisse et veloutée du sang, elle a mon nom, elle

est de moi, et quand je ferme les yeux, disparaît ce qui reste de ses oripeaux de pierre,

cariatides sans visage et bas-reliefs qui s’écaillent, ici une main, une arme, la tête d’un

mort sous les sabots du cheval, la guerre, et les anges hilares dans les archivoltes

légères, sous la courbe bleue de ce fragment de ciel étiré entre mes mains


Michèle Dujardin

in  » Abadôn « 

abadon 23

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Brume

07/10/09


On recommence

les sentiers, le bruit creusé des roches sous les pas, les odeurs de bêtes et d’arbres

On recommence la pluie sur les visages versés de ciel

On recommence la brume fondant sur les corps lents, ces esquisses arpentant le

plateau


On disparaît


Isabelle Guigou
in  » Le parfum des pierres aveugles « 

brume23

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….

Déjà l’aube grandit et règne à l’orient

Où surgissent des feux qui brûlent doucement

Et elle fait trembler tous ces ors et ces gris,

L’impalpable réseau des toiles d’araignées.

James Joyce

in  » Poèmes (Chamber Music, Pomes Penyach) « 

web23

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Il est probable que Grünewald

a peint d’après nature

et de mémoire l’enténèbrement catastrophique

la dernière trace de la lumière tombant

de l’au-delà…


Winfried Georg Sebald
in  » D’après nature, Poème élémentaire « 

445_

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Séisme

03/10/09

Juste avant le grand tremblement de terre

tout le monde

a rêvé


Sugiura Keisuke

seisme22

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Traces

02/10/09

Un poète doit laisser des traces de son passage, non des preuves. Seules les traces font rêver.


René Char

in  » Sur la poésie « 

traces23

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