L’homme-arbre

30/06/08



Assis sur un meuble informe, je n’ai pas bougé mes membres depuis quatre siècles. Mes pieds ont pris racine dans le sol et composent jusqu’à mon ventre une sorte de végétation vivace remplie d’ignobles parasites, qui ne dérive pas encore de la plante, et qui n’est plus de la chair.




Lautréamont

in " Les Chants de Maldoror " IVème Chant



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Incorporation

29/06/08



Je reconnais, incorporés en moi gneiss, charbon, mousses aux longs filaments, fruits, graviers, racines comestibles. Je suis stuqué des pieds à la tête de quadrupèdes et d’oiseaux.




Walt Whitman

in " Feuilles d’Herbes "



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Imagination

28/06/08



L’acte d’imagination est un acte magique. C’est une incantation destinée à faire apparaître l’objet auquel on pense, la chose qu’on désire, de façon qu’on puisse en prendre possession. Il y a dans cet art, toujours quelque chose d’ingénieux et d’enfantin, un refus de tenir compte de la distance, des difficultés.

Ainsi le tout jeune enfant , de son lit, agit sur le monde, par ordres et prières. A ces ordres de la conscience, les objets obéissent. Ils apparaissent.




Jean-Paul Sartre

in " L’Imaginaire "



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Montons, poètes

A la hauteur des aigles,

Chantons dans les grisailles du monde.

J’y verse, moi, mon soleil à moi,

Toi le tien,

En vers…




Maiakowski

in " Vers et proses "



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Faisons d’abord le poème avec sang

Nous mangerons le temps du sang

Et en avant le po-ème en chant et sans sang

Ce qui était fait avec du sang, nous nous en avons fait un poème…




Antonin Artaud



Le sang qu’a versé Matoub n’a pas coulé pour rien



Le jour de l’assassinat de Lounes Matoub, Muhand Saidi a peint ce tableau avec son propre sang.



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La flamme est la nuée du coeur

Et toutes les branches du sang

Elle chante notre air

Elle dissipe la buée de notre hiver

Nocturne et en horreur a flambé le chagrin

Les cendres ont fleuri en joie et en beauté

Nous tournons toujours le dos au couchant

Tout à la couleur de l’aurore.




Paul Eluard

in " Le Phénix "



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Respoésie

24/06/08



Je me fais tirer par les objets, hors du vieil humanisme, hors de l’homme actuel et en avant de lui…




Francis Ponge

in " Le Grand Recueil "



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…Je laisse les choses introduire peu à peu dans mon âme leur lumière particulière, depuis le galet jusqu’au soleil et aux étoiles, et les laisse monter peu à peu comme l’huile du niveau de mes nerfs vers la veilleuse de ma pensée.




Sikellianos



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Je fus tenté par un mystère où les formes ne jouent aucun rôle. Curieux d’un ciel décoloré d’où les oiseaux et les nuages sont bannis. Je devins esclave de la faculté pure de voir, esclave de mes yeux irréels et vierges, ignorants du monde et d’eux-mêmes. Puissance tranquille, je supprimai le visible et l’invisible, je me perdis dans un miroir sans tain. Indestructible, je n’étais pas aveugle.



Paul Eluard

in " Donner à voir "



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L’olive

20/06/08



Le Poète recommande: " Penchez-vous, penchez-vous davantage."

Il ne sort pas toujours indemne de sa page, mais comme le pauvre, il sait tirer parti de l’éternité d’une olive.




René Char



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L’oeuvre pure

19/06/08



L’oeuvre pure implique la diminution élocutoire du poète qui cède l’initiative aux mots par le heurt de leur inégalité mobilisée; ils s’allument de reflets réciproques comme une virtuelle traînée de feux sur des pierreries, remplaçant la respiration perceptible en l’ancien souffle ou la direction personnelle enthousiaste de la phrase.




Stéphane Mallarmé





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Poésie

18/06/08



…Cette langue sera de l’âme pour l’âme, remuant tout, parfums, sons, couleurs, de la pensée accrochant la pensée et tirant.




Arthur Rimbaud

in " Lettre à Izambard "



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Marchands d’histoires – marchands de vent, enjoliveurs ou débineurs, hâbleurs, craqueurs, gausseurs, archi-menteurs, langue ferrée à glace et visage impassible – causeurs et bavardins, faiseurs de châteaux en Espagne, amuseurs à la moutarde et décrasseurs de rêves – grands vernisseurs de faits, enjoliveurs de roses et écraseurs de crottes, tous les arrache-dents et les barons de Crac, les charlatans, les attrapeurs, fanfaronnards, goureurs, farceurs, colleurs, forgeurs, enjôleurs, les chevaucheurs de monts et merveilles – les conteurs à dormir debout, sous de faux-planchers, sous de fausses couleurs, poètes passant par le nième degré de fièvre pour en revenir à zéro, petits poètes généreux donnant à boire aux grands poètes dénués. Et ce qu’ils veulent nous faire prendre pour argent comptant provoque effrontément la vérité qui a si souvent tant de mal à sortir de son puits.




Paul Eluard

in " Les Sentiers et les Routes de la Poésie "



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La mort est aujourd’hui devant moi

Comme pour l’invalide la santé

Comme quitter sa chambre après la maladie



La mort est aujourd’hui devant moi

Comme l’odeur de la myrrhe

Comme s’asseoir sur la toile un jour de vent



La mort est aujourd’hui devant moi

Comme l’odeur du lotus

Comme s’asseoir à la rive de l’ivresse



La mort est aujourd’hui devant moi

Comme la fin de la pluie

Comme le retour d’un homme à la maison

Après une campagne outre-mer



La mort est aujourd’hui devant moi

Comme lorsque le ciel se découvre

Comme le désir d’un homme de revoir sa maison

Après des années sans nombre de captivité…



Poème égyptien, l’un des plus anciens que l’on connaisse.

XXème siècle avant J.C.




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L’homme qui prie est avant tout un homme qui s’exprime, qui s’adresse à la divinité, qui est relié par le verbe aux puissances cosmiques. Ainsi l’attitude de l’homme en prière est-elle nécessairement une attitude prise à l’égard du langage. Ce langage dès lors a deux fonctions: celle de la requête et celle de l’adoration. Le désir humain et la célébration de l’Être jouent donc un rôle constant dans la prière. C’est alors qu’une certaine coïncidence de nature et de fonction se fait jour entre la prière et la poésie. Le poète (sans préjuger de ses propres convictions religieuses) comme l’homme en prière est un homme qui se livre, s’abandonne au langage, qui lui confie sa part de rêves et de désirs en même temps qu’il provoque l’assomption verbale du Réel.




Pierre Seghers

in " Avant-propos du Livre d’or de la Prière, par Alfonso M. Di Nola



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Atome

14/06/08



Il n’est point, non plus, divisible puisqu’il est tout, entier, homogène,

Car il n’y a point, ici un plus qui romprait sa continuité,

Ni là, un moins : mais tout est plein d’être.

Ainsi tout est continu : être se presse contre être…




Parménide

Traduction d’Auguste Dies



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Le poison fait tourner la tête.

L?entrave empêche de partir.

Si on a lancé la flèche,

et si la flèche frappe juste,

c?est comme la mouche du cheval:

la mouche qui a piqué un cheval,

piquera un autre cheval.

La flèche est pareille à la femme enceinte:

elle aime la viande.

Même si la flèche ne perce pas le flanc, on meurt.

Si elle perce un peu, on meurt. Si elle entre bien, on meurt. Si elle touche à peine en retombant, on meurt. Si ce n?est pas mon sang, n?importe quel sang tue-le, je te le donne! C?est le feu que j?allume, c?est le feu que je prends. L?ombre est brûlante. le soleil est brûlant. Poison, plus fort que le fusil, plus fort que le tonnerre, plus fort que le feu, n?importe qui, tue-le! Je te le donne si ce n?est pas mon sang.



Chant Haoussa du Niger



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Mythe et Parole

12/06/08



Le mythe raconte une histoire sacrée; il relate un évènement qui a lieu dans le temps primordial, le temps fabuleux des "commencements". Autrement dit, le mythe raconte comment, grâce aux exploits des Êtres surnaturels, une réalité est venue à l’existence, que ce soit la réalité totale, le Cosmos, ou seulement un fragment: une île, une espèce végétale, un comportement humain, une institution…Dans la plupart des cas, il ne suffit pas de connaître le mythe de l’origine, il faut le réciter.




Mircea Eliade

in " Aspects du Mythe "





Mabboul, le Déluge

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Taaroa

11/06/08



Taaroa est la clarté,

Taaroa est le centre,

Taaroa est le germe

Taaroa est la base

Taaroa est l’incorruptible

Taaroa est le fort

Qui créa l’univers,

L’univers est grand et sacré

Qui n’est que la coquille de Taaroa

C’est lui qui l’anime, qui en fait l’harmonie…




Récit de la création du monde par le dieu Taaroa (Tahiti), la Parole



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Pourquoi nous émouvoir d’un paysage d’oiseaux

D’une alouette sonnant les matines du soir

Simplement d’une abeille cognant sur la vitre

Si déjà la rumeur ne réveille l’écho

D’une autre nostalgie plus vaste que l’oubli

Et nous qui sommes fous d’irréel de mystère

Pourquoi nous éblouir seulement d’une pomme

Toute ronde vêtue de clarté coutumière

Comme si par le charme ultime d’un regard

L’intemporel devait s’enraciner ici

A l’ombre d’un seul jour au ciel d’un seul pays.




Christian Bachelin



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"La vision de la Vérité est désunion.

L’union consiste à s’anéantir de soi-même et de la Présence Divine."



Cheikh Al Alawi



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Le grand cheval

07/06/08



…Un dieu me fuit que j’avais inventé

un grand cheval me fixe dans un rêve

un ciel de honte incendie la beauté…




Guy Chambelland

in " Limonaire de la belle amour "



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L’oiseau

06/06/08



L’oiseau au ventre orange

qui chantait dans l’après-midi

mourra

– de je ne sais quelle mort d’oiseau –

créant un nouveau silence palpable

dissemblable

mais proche de celui des pins et

si élémentaire encore

qu’on le dessinerait aisément sur le sable

si l’écume quotidienne

n’emportait pas toute chose vers la mort.




Franck Venaille



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J’ai mal…

05/06/08



J’ai mal de t’avoir quitté, mal de vivre, pays de mûriers, de vignes, de ruisseaux secrets, semblances de Dieu, ma vallée heureuse. Morte j’irai à ta recherche, dans un sac de pauvre, un peu de terre et d’eau, le pain de tes promesses. Et l’on dira: cette femme au loin, il n’y a d’ombre nulle part pour elle.




Laurice Schehadé

in " Le Batelier du vent "



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Cataclysme

04/06/08



Une erreur de soleil est sur la ville

Tout le ciel a fixé l’éblouissement

Dans un film arrêté j’avance et sur la pierre mes pieds brûlent

De chaque mur l’or mat rayonne la ville a couleur de désert…



Une erreur immobile est sur la terre

Stupéfaction sans paupière, debout !

S’est repliée la douce nuit les herbages du songe

Et sur un geste, un pas,

Le feu immense s’est ouvert, le vide insoutenable !



Claire Laffay

in " Dédales "



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Capucine

01/06/08



La capucine du silence

ouvre le feu



mais dans la main en friche

une grenouille saute



c’est un savon



sur la poitrine folle




Odile Caradec

in " A vélo, Immortels ! "



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