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Vie
31/05/09
Je te célèbre Ô vie
Entre cavités et songes
Intervalle convoité
Entre le vide et le rien.
Andrée Chédid
in » Rythmes «
Ferveur
29/05/09
Persiennes closes pour la sieste
une échancrure où se dénouent nos soifs
passage à gué entre songe et éveil
on suit le fil d’un cerf-volant
dans un pays qui nous échappe
on met à nu nos visages
à l’écoute des commencements
accord solaire dans la ferveur des mains
sans crier gare
la trame de nos gestes a signé l’invisible
Mireille Fargier-Caruso
Parole indivisible
28/05/09
Ô parole indivisible
Est-ce l’herbe des charniers
L’immobilité d’un mur
Ou la mort criblée d’images
L’aveu même d’être là
Comme l’énumération
D’un étang et d’un village
Tourbe neige cuivre école
Jusqu’au nom de chaque jour
Dans le signe sur les portes
Bernard Vargaftig
in » Éclat & Meute «
La nuit écrit…
27/05/09
La nuit écrit. Élargissant l’espace, extravaguant la page, pulvérisant le cercle de
pierres. Et enrôlant la mort. On lui doit un surcroît de force, et l’aggravation du
silence. On lui doit de toucher l’extrême fond de la faiblesse, et la cime de nos
plissements.
Jacques Dupin
in » Écarts «
Mouvement
26/05/09
Difficile à comprendre
Est à quoi tend
Le mouvement, sinon
A l’arrêt définitif,
Avec
De temps en temps la grâce
De quelque halte partagée »
Eugène Guillevic
in » Étier «
Le somnambule
25/05/09
c’était un si jeune homme. je l’ai vu passer dans les branches — un tout petit —
un souterrain passage — quelque chose comme une marche à travers les arbres
avec ce qu’il y a de nuit — de refus — de rigueur. certes on ne sait pas — on n’est
plus de chaleur vivante. ému en plus — au-delà de toute espérance et dans la
main déjà légère — transparente — déjà — le testament des feuilles qui vont
partir.
. un tunnel — un passage petit.
. venant du citadin marais.
mais allant où ?
Marianne van Hirtum
in » Les Insolites «
les morts oublient les vivants
24/05/09
Aride vérité que celle du silence,
inaccompli sommeil que celui de l’oubli.
Notre marche est muette,
notre langage est immobile
notre effort,
notre lent, notre lourd, notre indistinct effort
est inutile
****
Nos bouches sont des puits,
nos bouches sont des failles.
Y coule une rivière
de silence épaissi.
Nous apprenons à taire une voix souterraine,
à sceller de nos mains la blessure têtue,
l’aube de notre nuit se recouvre d’écailles
et la mue de nos yeux a des reflets de boue,
nous apprenons à voir la splendeur de l’abîme
et du corridor nu aux échos oubliés.
Une sueur épaisse a recouvert nos rêves,
lisière grêle où fermente le temps.
un paysage nouveau se dessine,
à perte de vue
Pierre Maubé
in » Nulle Part «
Objets de terre
22/05/09
Nous voulions être comme les objets de terre
Être là pour ceux qui, le matin à cinq heures, boivent leur café
dans la cuisine
Appartenir aux tables simples
Nous voulions être comme les objets de terre faits
de la terre des champs
Et aussi, que personne ne puisse tuer avec nous
Nous voulions être comme les objets de terre
Au milieu
de tant
d’acier
qui roule
Reiner Kunze
in » Un jour sur cette terre «
Pensée
21/05/09
La seule écriture parfois libère de la pensée. Est, dans son flux, de la pensée qui
s’invente, germe d’elle-même, dans les mots.
Roger Munier
in » Opus incertum «
L’infini
19/05/09
…
une fois
par nuit
à mesure
d’homme
brille l’infini
sur une lame
lisse
Giacinto Scelsi
in » L’Homme du son «
__________________________________
Oreiller
18/05/09
Reste-t-il du temps
pour lui dire,
Mère,
bonsoir,
je suis revenu
avec une balle dans le cœur.
Mon oreiller est là
je veux m’allonger
et me reposer.
Si la guerre
revient frapper à la porte
dites-leur : il est en train
de se reposer..
Ghassan Zaqtan
____
Bord du temps
16/05/09
Tes mains sont fluides et je te suis rivière
À la patère du ciel
Une mouette accroche son cri blanc
La mer relève un peu la tête
Ce bord de sable est-il un bord du temps ?
Je ne sais plus ce qui est vieux ce qui est vert
Ni ce qui nous attend
Le soir se lève
Enfance
Oiseau couleur lumière de mer
Gabrielle Althen
in » Cœur fondateur «
Sagesse
14/05/09
“Ta sagesse est si grande, disait le renne, tu sais tresser les vents du monde en unique torsade”
H.C. Andersen
in » la Reine des Neiges «
Voir…
13/05/09
On ne voit bien les choses que lorsqu’on pense qu’elles nous regardent.
Roger Munier
in » Opus incertum «
Seulement signe
12/05/09
O allume
tes yeux
de la couleur de naître.
Alejandra Pizarnik
in » Œuvre poétique «
J’ai déchiré l’étang…
11/05/09
J’ai déchiré l’étang
La ligne des araignées d’eau des
Horizons de sang
Ici les arbres sont des hérons
Vertigineux
Des pêcheurs à échine courbée
Souffrant sur leur jambe
Réflexion de lignes qui tarde
A remonter de plus loin
Sa mémoire
Et voit passer les barques
Et les hommes dedans à profil de foulque
Ailes closes autour d’un secret
Dont le sens baigne les racines
De ceux qui pêchent encore
Comme de grands oiseaux sinueux
Au bord des rives
Sophie Loizeau
in « Le Corps saisonnier «
En lisant les carnets philosophiques de Léonard
J´ai lu
que la cloche
conserve en elle
le tintement.
Que l´oeil
conserve en lui
les images du corps lumineux.
Que des prolongations sont possibles
au-delà des choses.
Que la preuve ne vaut rien
sans preuve du contraire.
Que le soleil
n´a jamais vu
aucune ombre.
Que les âmes sont issues
du soleil.
Que la Lune est dense et lourde,
dense et lourde.
Que l´effet participe
de la cause.
Que l´air est rempli
de nombreuses lignes droites.
Walter Helmut Fritz
in » Semences «
Seuil
09/05/09
Tu fus conduit au seuil du monde, seuil de toi-même reflété en ce lent voyage,
bourrasque et brouillard, désormais tu reposes en chaque instant, merveille et
miracle désormais.
Il fut un temps où la feuille se détachant de la branche se séparait d’elle-même,
au passage des ans se fissurait, os scindé, poussière comme ruine de soi.
Hélène Dorion
in » Mondes fragiles, choses frêles «
L’entre-deux
08/05/09
Le Tout ne serait-il que l’envers du Rien ?
Mais le Rien est peut-être un autre nom du Tout ?
Qui a parlé ? C’est moi peut-être
ou bien personne ou bien celui
qui passe qui s’éloigne et qui déjà se tait
Claude Roy
in » Les Rencontres des jours «
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Les masques du vide
07/05/09
Souvent m’apparaissent, dans le retrait de moi-même, les masques du vide.
Les masques que prend le vide ne sont pas pleins. Ce ne lui est pas nécessaire.
Quelques traits infimes veillent à le masquer ; y suffisent. Assurément, il est
là, on l’oublierait presque… …Ces masques vont ordinairement par deux et
s’impriment, frêles mais durs, dans le disque achevé de l’univers.
On pourrait croire à des gestes, à l’algèbre des gestes arrêtés dans un
cataclysme pompéien. Mais aucune trace de cataclysme. Au contraire une
étrange immobilité, et partout dans le Spectre même de la puissance, la succion
effroyable du Vide.
Il y a aussi les déserts du matin, jonchés d’animaux morts…..
Henri Michaux
in » Épreuves, Exorcismes «
Mélusine
05/05/09
S’il n’y avait ta fontaine, Mélusine,
pour garder au vif du cœur
une deuxième issue à tous les contes,
depuis longtemps nous serions réduits
à la résurrection pétrifiée
d’une île de Pâques –
Mais quand ton visage-écho
où s’épand l’ancolie des fatigues,
s’exerce à l’agonie dans l’or du Sabbat,
notre sang boit le souvenir
dans un paysage
qui fut là déjà
et dans la pré-naissance doucement assoupie
de l’âme –
Nelly Sachs
in » Exode et Métamorphose «
la maison abandonnée
04/05/09
Une fontaine est posée entre les murs, sa pluie avive les couleurs projetées dans
la lumière. Dans la maison abandonnée, une chambre bleue a reçu un trait de
pinceau piaillant et des oiseaux sont nés qui hurlent leur rougeur innocente
entre les becs des lustres oubliés.
Béatrice Bonhomme
in » la Maison abandonnée «
Je suis…
03/05/09
Je suis au Nord un pavillon de bois dans la selva rouge, un mât-totem indien
devant lequel on se rassemble pour célébrer le culte d’Osiris, près d’un mur de
rocailles où les serpents fluctuent, fibres et coulis, replis d’os, mues de champs, je
suis à l’Est une gare routière où des autobus entrent & sortent de mon corps
comme des humeurs, comme le fleuve boueux qui charrie les troncs à Kajaani et
sur tous les lacs de ce pays, fleuve fou des fulgurations, je suis à l’Ouest un océan
où naviguent des vaisseaux qui cherchent la nacre et le corail, dont les équipages
relèvent les filets, qui sillonnent la mer Rouge, je suis cet océan, cette étendue
captive et capiteuse, cette lumière & cette poussière d’îles, je suis ce bouillon de
culture, cette pêche, ces casiers d’huîtres, ces filins de mousse recouverts, je suis
au Sud un hôpital, la chambre de Rimbaud, le pavillon des contagieux, le billard &
la chaise électrique, les voiliers dans la baie d’Auckland, la brûlure, la plaie, la
gangrène, le poison, la septicémie, le virus, le cancer, le capricorne, je suis Us-Yri,
les îles éparses d’un archipel, le sperme brûlant qui gicle & le sang qui jaillit en
bouillons rouges, la trame, le tissu, le pain, la chair & le tendon, la feuille & le
pistil, l’utérus rétractile & le vagin ouvert, je suis la démence, la végétation, les
climats & les saisons, la pluie…. »
Frédéric-Yves Jeannet
in » Charité «
Une ville
02/05/09
Qu’est ce qu’une ville ? Un lieu où dans un ordre donné sont célébrées les noces
de l’espace et du temps. Il y a des villes qui nous habitent où, Gullivers de rêve,
nos têtes sont dans les arbres et nos pieds dans les fontaines, et des villes où le
ruban des rues se coupe après notre passage rendant tout retour à jamais
impensable.
Ce sont quelquefois les mêmes, comme cette ville de pierre où les ombres des
arbres dessinent des portes obscures, car au cœur de la pierre il y a le jardin
transparent. Entre les rideaux tremblants des feuilles, les gestes des statues
indiquent un commencement absolu. Attentifs à une réponse nous ne posons
plus de questions. Le mystère est dans son absence qui peut redevenir présence
car il y a danger.
Derrière attend un ciel très pâle, la musique continue en silence et les cœurs
s’arrêtent sous la main. Une ville qui s’ordonne comme une musique pour la
musique n’est pas ce côté-ci du jour. L’amour ici ne peut être qu’impossible, c’est-
à-dire tout.
Heather Dohollau
in » Une Suite de matins «