La lenteur

30/06/09

Dans la mort nous aurons tout le temps nécessaire, et la lenteur nous ouvrira ses

bras, et nous nous coucherons sur son grand corps comme nous nous couchons

sur le corps de l’amour, mais sans impatience, sans frémissement ni extase, avec

seulement le grand battement silencieux de notre âme qui continuera son

voyage, et immobiles enfin nous saurons attendre que se lève la lumière perdue.


Sylvie Fabre G


in  » Dans la lenteur « 

thanatos______________________________________________________

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Intervalles

28/06/09

………….

Encore une fois la nature du coucher de soleil reste inconnue


Ainsi que celle des partitions spatiales qui le créent – le temps ?


le corps ?


la mémoire ? la ligne ? – et celle des intervalles aperçus au hasard


se ramifiant comme un livre jusque dans l’étrange.


………….

Arkadii Dragomochtchenko

coucher22

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Rien de plus

27/06/09

………………

Si j’avais pu décrire comment les courtisanes vénitiennes


Avec un roseau taquinent un paon dans la cour


Et du brocart mordoré, des perles de leur ceinture,


Délivrent leurs seins lourds, si j’avais pu dépeindre


La trace rouge de la fermeture de la robe sur leur ventre


Tels que les voyait le timonier de la galère


Débarqué au matin avec son chargement d’or,


Et si, en même temps, j’avais pu trouver pour leurs os,


Au cimetière dont la mer huileuse lèche les portes,


Un mot les préservant mieux que l’unique peigne


Qui, dans la cendre sous une dalle, attend la lumière,



Alors je n’aurais jamais douté. De la matière friable


Que peut-on retenir ? Rien, si ce n’est la beauté.


Aussi doivent nous suffire les fleurs des cerisiers


Et les chrysanthèmes et la pleine lune.



Czeslaw Milosz

t0

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L’indéfini

26/06/09

«  Tout seul, sur le quai désert, dans ce matin d’été


Je regarde du côté de la barre, je regarde vers l’indéfini…. »


Fernando Pessoa

in  » l’Ode Maritime « 

ocean2

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Couleurs

23/06/09


Les couleurs sont plus profondes, ont un plus sourd éclat sous un ciel qui se

couvre, n’est que vaguement lumineux. Y sont couleurs comme à partir d’elles-

mêmes, sans la lumière crue qui autrement les frappe.


Ce qu’est en elle-même une couleur est son secret.


Roger Munier

in  » Opus incertum « 

colors22

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La pépite

21/06/09


Je voudrais mordre le temps comme le pain.


Trouver une résistance, laisser l’empreinte de mes dents.


Avaler l’essence, sentir la nourriture


Qui doucement envahit le sang.


Mais, fleuve invisible, le temps s’écoule.


Il murmure à mes côtés. A portée de main


Il me passe un poisson-fable, une pépite d’or


Déjà réabsorbée par des tourbillons.


Maria Luisa Spaziani


in  » I fasti dell’ortica « 

poisson22

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Et tu as traversé la mort


comme en la neige l’oiseau


toujours noir scellant l’issue…


Le temps a dégluti


les adieux que tu lui offris


jusqu’à l’extrême abandon


au bout de tes doigts


Nuit d’yeux


S’immatérialiser


Ellipse, l’air a baigné


la rue des douleurs…


Nelly Sachs


in  » Brasier d’énigmes et autres poèmes « 

corbeau22

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Alors tu te tournes vers la vitre noire du salon et tu sais que

dehors les arbres frémissent de cette solitude particulière qu’ils

ont acquise et qui est toute leur vie d’arbres.

Frémissent, hors du sens, jetés là comme des signes qu’il nous

faut interroger. Écorces du vouloir.


Les arbres frémissent, ils sont aussi danseurs. On voudrait se

jeter dans cette assemblée, cette silencieuse épaisseur, cet

épanouissement. Mais la danseuse du sens est ici interdite,

clouée.


La musique vient d’ailleurs, c’est-à-dire que personne ne l’entend.

On subit cet autre danse parce qu’elle semble soudain visible.

On s’avance


mais l’ombre dit :


« N’allez-vous pas regretter d’alourdir encore ces branches ?

N’y a-t-il pas mieux à faire qu’à rançonner ce fruit ? »


Et tout ce bruit des racines, soudain, cette noire musique, pousse

à l’allègement.


C’est à un arbre de brouillard que je songe.


Un arbre pour passer au travers.



Pierre-Albert Jourdan

in « Espace de la Perte »

oak22

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J’ai dit quelque part qu’il ne suffisait pas d’entendre la musique, mais qu’il fallait encore la voir.


Igor Stravinsky


in   » Poétique musicale « 

fire22

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Envolé…

16/06/09


envolé


comme du sable d’or sur les toits


je pense


à des mots comme sable


fleurs blanches qui saignent un peu


barrière


ouverte qui bat


fenêtre


escalier rompu


grands arbres


à son apparition

•••••


Eric Sautou


in  » La Tamarissière « 

sablor22

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Syllabe

15/06/09

Si lèvre mortelle devinait


La Charge latente


D’une syllabe dite


Le poids la ferait s’effriter
……


Emily Dickinson

in  » Quatrains et autres poèmes brefs « 

mots22

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Je prendrai une

pierre.


Celle qui vient. Celle

qui pèse

dans son nom de pierre.


J’effacerai tout le dehors.


Je donnerai
mon sang à cette pierre.


Pour rien. Pour

retenir son nom. Pour apprendre

jour après jour


son corps de pierre.


Claude Esteban


in  » Le nom et la demeure « 

pir2

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Je suis Râ…

12/06/09


En vérité, je suis Osiris et je demeure dans l’Amenti.


Osiris, lui qui connaît l’heure faste,


N’existerait pas, sans que j’existe, moi !


Car je suis Râ, au milieu des autres Esprits divins,


Et je ne périrai pas, de toute éternité !


Debout donc, toi, Horus Ressuscité !


Les dieux eux-mêmes ont reconnu ta qualité de dieu !



Livre des Morts des Anciens Egyptiens

Chapitre VIII – Le Passage à travers l’Amenti

sol22

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Et voilà je sens


à chaque instant


comment s’éveille


la pensée de la pierre.


A midi elle respire


saturée de la germination des herbes,


aussi loin


du soleil


que mon obscurité…


Vesna Parun

in  » La pluie maudite et autres poèmes « 

pierre22

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J’ai vu…

11/06/09



« J’ai vu les yeux des tourterelles rougis par la colère,


je sais que dans le laurier habite l’acide prussique


et que ses fruits immobilisent le cœur des oiseaux. »



Antonio Gamoneda

in «   Cecilia « 

tourterelle

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Barques

10/06/09

barques – que la mort


sertit – deux


dieux – chaussés de terre -


chancelants


Mathieu Bénézet

in  » Les XXXX « 

boat22

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Calme

08/06/09



Il faudrait que les mots ne fassent pas plus de bruit que les choses qu’on les

entende à peine dire la table l’herbe le verre de vin comme une vaguelette une

ride de son sur la vie silencieuse quasi rien.


Antoine Émaz

in  » NU(e) « 

snowcloud22

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Départ

06/06/09


Dans le square au-dessus des Sitges, la petite fille se balance et c’est


– sans insistance – un pendule, à chaque mouvement elle s’imprègne


davantage de nuit et l’étale avec le bruissement d’une robe de veuve


sur la baie du soir. Au loin l’hôtel blêmi par la distance glisse vers le large


avec la paresse d’une arche vieillie ; la mer à nos pieds a l’éclat métallique du


crime que nous fûmes incapables de commettre.


Nous partirons, de nouveau habiterons de loin là où nous ne serons guère,


nous appuyant dans l’autre sur une vieille connaissance, plus massive et discrète


chaque jour et sur son silence complice. Plus haut, le noir des oiseaux déchire en


douce le bleu natif  et mêle étroitement nos flottements à sa trame.


Petr Král

in  » Pour l’Ange « 

balance22

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Mais le « vouloir-ne-rien-dire » d’un poème n’est pas un vouloir ne rien dire.

Un poème veut dire, il n’est même que cela, pur vouloir-dire.

Mais pour vouloir-dire le rien, le néant, ce contre quoi et par quoi il y a la

présence, ce qui est. Et parce que le néant échappe à tout vouloir, le vouloir du

poème s’effondre comme tel (un poème est toujours involontaire, comme

l’angoisse et l’amour, et même la mort que l’on se donne), c’est rien qui se laisse

dire, la chose même, et se laisse dire en et par celui qui s’y porte malgré lui, le

reçoit comme l’irrecevable et s’y soumet. L’accepte, en tremblant que lui se

refuse, « étant » si étrange, fuyant, insaisissable comme l’est après tout le sens

de ce qui est « .


Philippe Lacoue-Labarthe

in  » La poésie comme expérience « 

poeme1

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Disparition

04/06/09

Ce que j’aime, ce n’est pas voir, c’est l’effort de voir :


sans cesse à attendre que disparaisse,

au-delà d’un signe, au-delà d’un appel,

pas de formule et pas de son.


Que diminue, que baisse,


que s’éteigne.


Isabelle Baladine Howald

in  » Secret des Souffles « 

eteint22

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Du vide…

03/06/09



voici l’île froide

couché sur les pierres nues, goélands


piaillant dans la brume –

l’immensité du néant


vide les os et les veines.


Kenneth White

in  » Un monde ouvert « 

goelands22

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