Alors tu te tournes vers la vitre noire du salon et tu sais que

dehors les arbres frémissent de cette solitude particulière qu’ils

ont acquise et qui est toute leur vie d’arbres.

Frémissent, hors du sens, jetés là comme des signes qu’il nous

faut interroger. Écorces du vouloir.


Les arbres frémissent, ils sont aussi danseurs. On voudrait se

jeter dans cette assemblée, cette silencieuse épaisseur, cet

épanouissement. Mais la danseuse du sens est ici interdite,

clouée.


La musique vient d’ailleurs, c’est-à-dire que personne ne l’entend.

On subit cet autre danse parce qu’elle semble soudain visible.

On s’avance


mais l’ombre dit :


« N’allez-vous pas regretter d’alourdir encore ces branches ?

N’y a-t-il pas mieux à faire qu’à rançonner ce fruit ? »


Et tout ce bruit des racines, soudain, cette noire musique, pousse

à l’allègement.


C’est à un arbre de brouillard que je songe.


Un arbre pour passer au travers.



Pierre-Albert Jourdan

in « Espace de la Perte »

oak22

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