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Meta
La réintégration
14/12/10
« Il n’y a pas de différence entre la naissance éternelle, la réintégration et la
découverte de la Pierre philosophale. Tout étant sorti de l’éternité, tout doit y
retourner d’une même façon. »
Jacob Böhme
in » De Signatura Rerum «
Grandir
11/12/10
Comme une pierre mal tombée
Se redresse bizarrement
Un petit garçon s’arrête
Ne sait pas qu’il tord sa bouche
Comme un fragment sorti de la terre.
Il ne bouge pas, déjà
La salive qu’il avale touche sa gorge.
Comme du malheur qu’on pourrait caresser
Cet oiseau qu’il trouva, écrasé et soyeux,
C’était un matin.
Ce qui nous appelle ne bouge pas, parfois
La grande violence est venue avant.
Ariane Dreyfus
in » La Terre voudrait recommencer «
Le Gong
09/12/10
Le gong rend un son
comme si un soi blessé l’habitait.
Quand on le frappe, il résonne longtemps, longtemps
Profond est le lieu de la blessure.
Hwang Chi-Woo
Vestige d’une vieille haie de jardin
01/12/10
Aubépine et rouge-épine
branches entremêlées
à la vie à la mort
Rameaux d’écume
rouge dans le blanc
blanc dans le rouge
Bois fleurissant
à la vie à la mort
Reiner Kunze
in » Nuit des tilleuls «
Arbre
30/11/10
La déchirante beauté d’un arbre
qui meurt lequel
retient encore un peu ses feuilles
cette grâce distante que seul ce
qu’on abandonne affecte de posséder
ces couleurs implicites qu’ont les choses
quand elles s’achèvent
la vie qui est autour de lui dans le bois
le chant des branches et l’horizon
la vallée,
le spectacle incroyable
antique et nouveau d’un crépuscule.
Mauro Fabi
in » Le Domaine des morts «
la lampe qui éclaire
28/11/10
Et ainsi quoi d’autre que de rester les bras pendants,
le cœur entassé et ce goût de poussière
que fut fleur ou chemin –
Le vol dépasse l’aile.
Sans humilité, savoir que ce qui reste
a été gagné à l’ombre par œuvre de silence ;
que la branche dans la main, que la larme obscure
sont héritage, l’homme et son histoire,
la lampe qui éclaire.
Julio Cortázar
in » Crépuscule d’automne «
gentianes
25/11/10
A gauche de la piste qui suit en ligne droite le fond de la combe se déploie,
versant ensoleillé sans trace ni ride aucune, une étendue lisse, lumineuse, nue.
Pur espace que jonchent par poignées, délicatement, des tiges de gentianes sèches,
courts traits droits ou obliques, parfois brisés, sortant de la neige, telles les barbes
d’une gravure effacée. On dirait, dans le silence sans pesanteur qui règne,
une broussaille, plutôt un égaillement de sons à peine audibles, parents,
presque égaux, soumis à aucun ordre, qu’on tenterait vainement de rassembler,
résonnant toutefois comme la promesse d’une musique future faite de
tintements, toute proche quoique affaiblie par la distance.
Pierre Chappuis
in » La Rumeur de toutes choses «
Jusqu’au bout…
24/11/10
Jusqu’au bout, dénouer, même avec des mains nouées.
Philippe Jaccottet
in » Ce Peu de bruits «
La voûte du soir
23/11/10
Dans la voûte du soir chaque oiseau est un point du souvenir.
Je m’étonne quelquefois que la ferveur du temps
revienne, sans corps revienne, déjà sans but revienne ;
que la beauté, si brève dans son amour violent
nous réserve un écho lorsque la nuit descend.
Julio Cortázar
in » Crépuscule d’automne «
Ciel fermé
20/11/10
Ciel couleur de fumées basses, de cendres qui auraient tout oublié du feu qu’elles furent.
Ciel qui efface le souvenir des saisons plus heureuses. Ciel fermé, porte murée.
Tout ce qui se ternit, ne renvoyant plus la lumière.
Philippe Jaccottet
in » Ce Peu de bruits «
Ma tête est un arbre
18/11/10
Ma tête
est un arbre
toutes mes paroles
sont les feuilles
que je caresse
et plus je les caresse
plus elles te parlent
Henri Meschonnic
in » Demain dessus demain dessous »
Le paon mort
16/11/10
un paon mort en rêve
la lune éclaire son corps
des cactus envahissent
la chambre sur le toit
vieux oiseaux desséchés
empalés sur piquants
dans leur gorge gémissent
des vents qui appellent
le paon mort se dresse
corps luisant de lucioles
lune pendue à la chaîne
sur une horloge noire
chavire les arbres et
la maison se décompose
un paon mort en rêve
ses yeux s’ouvrent clairs
Joy Goswami
in » Suryo pora-cha «
Granum Sinapis
14/11/10
Deviens tel un enfant,
rends-toi sourd et aveugle !
Tout ton être devenir néant,
dépasse tout être et tout néant !
Laisse le lieu, laisse le temps,
et les images également !
Si tu vas par aucune voie
sur le sentier étroit,
tu parviendras jusqu’à
l’empreinte du désert.
MAITRE ECKHART
in » Le grain de sénevé «
Janus
12/11/10
un visage à la nuque
et tu vois ce qui est
moins rare qu’un ange
Bernard Noël
in » La Moitié du geste «
Guerres
10/11/10
les guerres défilent vers le passé
empilant tertre sur tertre
qui pointent dans le gel
derrière eux les petites maisons
arborent leurs lampes brillantes
pour les êtres qu’elles ont perdus
Joy Goswami
in » Suryo pora-cha «
J’entends des cris
09/11/10
j’entends des cris
ils viennent du bout du monde
ils tournent comme des enfants
autour de moi
chaque cri est un visage
je me vois en eux
je me multiplie en eux
et leurs cris deviennent
mon visage
je ne me reconnais plus
mais plus je les entends
plus je deviens ce que je suis
Henri Meschonnic
in » Demain dessus demain dessous «
Nuit
05/11/10
……..
S’il existe une consolation
elle se trouve dans l’espace
dans la couleur de l’air
Idée parfaite de la liaison
hors le temps, dans l’étendue
inconcevable d’un champ de particules
Dans la durée
impalpable d’une
mémoire incertaine
Paul Louis Rossi
in » Visage des nuits «
Les cendreux
03/11/10
ce sont eux les cendreux, les éteints
couve la braise dans leur bois
semi-carbonisés enterrés sous les couches de vase
ils fuient depuis des décennies
chaque seconde est centuplée par le passage
c’est mon travail aujourd’hui de sonder leurs lits
les couvrir tendrement
dans des draps de boue
ce sont nos mères nos pères. je dois trouver leurs os
creuser cent trous tombes tranchées, il faut
fouiller des années de chagrin colère cendre et sang
Joy Goswami
in » Suryo pora-cha «
Précipice
02/11/10
Nul ne peut expliquer pourquoi
le dernier arbre au bord du précipice
a cette étrange forme double
qui semble vouloir retenir quelqu’un
de tomber dans la pente invisible
or il n’y a personne
absolument personne
alentour ni à l’horizon
aucun poids non plus pour jouer
le rôle de la chute
c’est dans le même silence
au zénith à midi ou la nuit
échevelé de tremblantes étoiles
que l’arbre est là et qu’il paraît veiller
sur quelqu’un qui ne viendra pas
à qui peut-être on a dit : « prenez garde !
attendant depuis trop longtemps
cet arbre mort ne saurait plus
empêcher son seul fruit de tomber
François Montmaneix
in « Peintures noires »
L’âme dort
01/11/10
L’âme dort
les organes internes sont
en bonne santé
les cellules brûlent
avec une ardeur soumise
invisible est le paisible
ronronnant enfer
le suave fléau
d’âme rate
cœur boyaux.
Bartolo Cattafi
La vide lumière
29/10/10
ce qui en moi dit non
me chasse du présent
voici la vide lumière
ne cède pas à l’ange
le destin n’est ni clair ni sombre
il est le lieu mobile
où le dedans et le dehors
se croisent
en forme de je
Bernard Noël
in » La Moitié du geste «
Comme un arbre..
26/10/10
moi
comme un arbre
je dis oui à tous les souffles
c’est ce qui me tient lieu de pensée
sinon que mes racines
parfois me montent à la tête
et je ferme les yeux
sur ce que je suis
moins je sais ce que je dis
moins je sais ce que je suis
plus les paroles me poussent
bientôt je serai
avec toi une forêt
Henri Meschonnic
in » Demain dessus demain dessous «
LES POMMES
22/10/10
Un temps
l’esprit serpente en certaines choses
les réveille les attise
rend l’air vif renverse
le panier de pommes
le pommes roulent le long de la sente
qui peut également ne pas être en descente
ni sombres ni joyeuses
elles finissent leur course dans l’herbe
parmi les pierres
trognon pulpe peau
l’esprit a disparu.
Bartolo Cattafi
in » L’Alouette d’octobre «
chaque passant…
20/10/10
chaque passant
est un soleil
nous passons
dans la lumière
les yeux fermés
avec l’inquiétude
de ne pas nous reconnaître
dans la foule
je te serre
de tous mes yeux
Henri Meschonnic
in » Demain dessus demain dessous «
LA LIGNE LE FIL
19/10/10
La ligne le fil
que tu extrais depuis le touffu du dessin
sont de par eux-mêmes un dessin
à apprendre par cœur
à aimer
lorsque la jungle le fil le labyrinthe
font pression sur nos portes
les ouvrent grand
et que sous leur poussée tu vacilles.
Bartolo Cattafi
in » L’Alouette d’octobre «
Ton corps
18/10/10
Ton corps
Chante Dans l’obscurité
Plus rapide encore qu’un destrier lancé dans sa course
Au centre des dures empreintes de sabot
Il brosse les feuilles Le plaisir Mes épaules
Jangbu (Chenaktsang Dorje Tsering)
in » Neige d’août n°18 «
en chaque mot
un nom perdu
l’autre s’éloigne
ô buée
pour être là
il faut faire du temps
Bernard Noël
in » La Moitié du geste «
Quand je mourrai, fiston,
10/10/10
Quand je mourrai, fiston,
Que ce soit moi, l’enfant, le plus petit.
Et toi, prends-moi dans tes bras
Et emmène-moi au-dedans de chez toi.
Déshabille mon être humain et fatigué
Et couche-moi dans ton lit.
Et raconte-moi des histoires, au cas où je me réveillerais,
Pour que je puisse me rendormir.
Et donne-moi des rêves à toi pour que j’en joue
Jusqu’à ce qu’en naisse certain jour
Dont toi seul sais bien ce qu’il est.
Fernando Pessoa
Fournaise
08/10/10
fournaise force mes yeux à s’ouvrir. soulevant une strate
sable j’émerge. plus de glace sur les monts
les arbres sont devenus bâtons
la ville de fer aux briques noires une masse de boue et béton
en roue géante le soleil éparpille son jaune pâle
après ces millions d’années, le ciel est à bout
son énergie consumée dans les airs
autour un océan de sable, les mains jointes
j’invoque le ciel : descends sur moi,
macule mon front de ton soleil de cendre
Joy Goswami
in » Suryo pora-cha «
Éveiller celui qui dort…
06/10/10
……
Éveiller celui qui dort,
c’est imposer à l’autre
l’interminable prison de l’univers,
de son temps sans déclin ni aurore,
lui révéler qu’il est quelqu’un ou quelque chose,
soumis au nom qui le dévoile
et à l’amoncellement des hiers.
C’est enfreindre son éternité.
C’est l’accabler de siècles et d’étoiles.
C’est rendre au temps un autre Lazare
chargé de souvenirs.
C’est faire injure à l’eau du Léthé.
Jorge Luis Borges
in » Les Conjurés «
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