Epave oblique

20/03/11

Renversé, lézardé, morcelé, toute appartenance humaine oubliée, c’est seulement comme un sol que celui-ci maintenant se perçoit, sol indéfiniment déchiqueté, aux croulantes mottes anonymes, dressées-déjetées, qui n’est même plus un terrain, mais les vagues d’une mer démontée, d’une mer de terre en désordre, qui jamais plus ne se reposera.

Sous cette forme informe, qui le prive de lui, il survit, empêché de se reprendre. Incessant écroulement.
Fragments indéfiniment ; fragments, failles, fissures. Épave oblique.


Henri Michaux

in  » Les Ravagés « 

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Météores

17/03/11

Cueillir au vol les météores


Faire crépiter leur succession de pointes acérées


sans que jamais elles s’apprivoisent


en longes


ou crinières bien peignées


de lignes courbes ou droites


filant vers la guipure de bord de table en quoi


happé


l’horizon se résout.


Michel Leiris

in  » Haut Mal « 

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Ombres

13/03/11

Vous parlez avec moi dans la nuit


mais hors de combat comme tous les morts


vous avez légué l’ultime lettre de l’alphabet


et la musique des gorges


à la terre


qui chante l’adieu par toutes les gammes


Mais enfouie dans le sable mouvant


j’entends quelque chose de nouveau dans la grâce


Nelly Sachs

in  » Partage-toi, nuit « 

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il neige au-dessus des mots.


après tant de voyages violents


entre la table et la fenêtre ouverte,


toutes choses et ta soif devinrent transparence


et profonde allégresse obscure…


il neige au-dessus de nous :


ce que tu taisais, je l’entends


Jacques Dupin

in  » M’introduire dans ton histoire « 

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Jardin

01/03/11

………

Verdeur qui survit dans mes débris :


dans mes yeux tu te vois et touches,


tu te connais en moi et en moi tu penses,


en moi tu dures et en moi disparais.


Octavio Paz

in  » Première Instance « 

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« Je suis le bousier du temps. Je pousse mes millénaires devant moi,

tous mes millénaires. »


Jacques Ancet

in  » Puisqu’il est ce silence / prose pour Henri Meschonnic « 


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Le chemin

20/02/11

les pensées devant lesquelles


se dresse tout à coup


une immense pensée



les êtres


qui se mettent à rêver


sur la route


et peu à peu


c’est le chemin


lui-même


qui se mue


en leur songe


Franck André Jamme

in  » au secret « 

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aussi exacte
si légère
que ses pas


la détestation
des entraves


celle qui disait


oui


c’est sûr


tu vivras


c’est ta chance


Franck André Jamme

in  » au secret « 

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Nuages

12/02/11

Nuages à la dérive, continents


somnambules, pays sans substance


ni poids, géographies dessinées


par le soleil, effacées par le vent.


Octavio Paz

in  » Première Instance « 

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Présent

10/02/11

Le calendrier aligne les dates : le passé et le futur y sont des chiffres immobiles.

Le présent, lui, est insaisissable.

On l’a dans la bouche comme une illumination soudaine.


Jacques Ancet

in  » Puisqu’il est ce silence / prose pour Henri Meschonnic « 

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Le Commencement

10/02/11

Il n’y a rien d’autre que le commencement.

Noir, blanc et noir, points, signes brefs,pleins et déliés, lignes et lettres, littérature.

J’appelle nudité intégrale le point où tout coïncide (où tout recommence)


Jean-Marie Gleize

in  » Le Principe de nudité intégrale « 

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Rêverie

08/02/11

le sentiment

que quelque chose de perdu

se promène dans vos rêveries


l’esprit


pousse soudain à pénétrer

l’une de vos pensées

avec cette promesse


lui fournir

constamment

de quoi vivre


le temps


qui fera le reste


Franck André Jamme

in  » au secret « 



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…un chavirement de l’étendue dans la lumière,

seule à répercuter

l’embolie du ciel


à donner espace à ce bleu désuni qui s’allège

ce bleu de fonte, béant, de substance musicale,

comme d’un mur de terre et de fleurs


s’écroulant contre nos genoux

et resurgissant, lavé, bleu, sans nom


Jacques Dupin

in  » Contumace « 

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Ciel

03/02/11

L’exubérance, fleurs, feuillages, du milieu de juin n’est rien comparée à

la puissante maturité qui saisit cette terre plus belle qu’aucun ciel.


A la fin de juillet le ciel auparavant comme une lisse toile bleue se

creuse soudain, gouffre sans un frisson où baignent les feuillages verts

et noirs d’une dureté inexorable ; et lorsque août arrive, on voit vers le

soir la lumière comme un fleuve fuir à l’horizon vers une mer inconnue

et rendre à la voûte abandonnée sa transparence peu à peu chargée

d’étoiles.


Gustave Roud

in  » Feuillets, Écrits 1 « 


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Le guetteur

01/02/11

« Guet » « affût », les poètes aiment bien ce mot. Ils se postent, ils

attendent, c’est leur côté pêche et chasse, mais ils ne ferrent que des

truites de mots, ne tirent que des cartouches d’encre.

Leurs plus beaux trophées sont des rimes léonines.


Jean-Pierre Georges

in  » L’éphémère dure toujours « 


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L’homme épelle sa fatigue


Épelle et découvre soudain


découvre d’étranges majuscules,


inespérément seules,


inespérément hautes.


Qui pèsent plus sur la langue.


Pèsent plus mais échappent


plus vite et c’est à peine


s’il peut les prononcer


[Son cœur se rassemble sur les chemins


où la mort éclate]


Roberto Juarroz

in  » Poésie Verticale « 

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Homme

25/01/11

Son visage derrière la vitre. Un temps gris et pluvieux. Lui marchant sur un

chemin bourbeux, tête baissée, vêtu d’un long manteau. Son silence. Sa distance.

Le fleuve qui passait en bas de la maison. Les livres qu’il collectionnait, dont les

siens, dans une bibliothèque invisible, ou peut-être aménagée dans ses propres

œuvres. Une vie quasiment inconnue, seuls quelques actes répétés : marcher le

long du fleuve, s’asseoir dans un fauteuil, rouler en voiture sur des petites routes

champêtres. L’aspect confortable de cette existence retraitée. Des livres arrivaient

par la poste. Des amis lui rendaient visite, des inconnus passaient pour se

prosterner en silence. Son écriture était renforcée année après année par cette

posture lointaine, magnétisant le lecteur dans un éloignement toujours plus

grand. Son visage derrière la vitre : le voyant, on se disait que cet homme si seul

gouvernait quelque contrée inconnue.


Laurent Margantin

in   » La Main de Sable « 

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La peau du monde

20/01/11

Ordre si fragile de la géométrie,
ne me prodigue plus les consolations de ton cœur de fer.
Ces jours, je vais dans les couleurs et les sons mêlés,
et je vois la nuit dans les plus vives lumières,
monde, monstrueux fantôme,
ton jour est la plus vide des nuits.
Une voix dit : ?où suis-je ? qui suis-je ??

Est-ce ma voix dans ce désert ?
La surface de chaque chose
est tendue par la nuit qui la gonfle,
- Oh ! cette nuit en voiles de soleil !
Oui, cette parole dans la bulle d’illusion,
cette parole perdue,
ce n’est jamais que la mienne.


René Daumal

in «   ? L’ennemi du jour « 

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Il aurait fallu savoir que c’était le dernier verre


le dernier verre en Atlantide


Mais on ne nous dit jamais rien


Comme pour la mort de dieu


Comme pour le temps qui passe


Comme pour les filles qui s’en vont


rôme Leroy

in  » Un dernier verre en Atlantide « 

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Il allait revenir non pas au point de départ, mais à un lieu évanoui,

tellement évanoui qu’il ne savait même plus s’il avait jamais existé.

Puis il se réveillait. Des peintures étaient accrochées aux murs,

toutes représentant soi-disant une parcelle du lieu.

Je me serais bien projeté dans celui-là, se disait-il en observant une

toile.C’était une cabane habitée mais devant laquelle des pans de tôle

avaient été jetés. Ce n’était pas l’enfance, non, c’était plus que cela.

Les réminiscences étaient alors purement fictives, il le savait

désormais. Il aurait souhaité parcourir la terre entière, conscient de

ne plus pouvoir se souvenir, de ne plus jamais être capable de

reconnaître un lieu.


Laurent Margantin

in  » La Main de Sable « 

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Ce ciel…

12/01/11

ce ciel
ces larmes
ô la défaite douce

la joie de vivre
est dans l’air
qui touche les yeux

nulle rétine
pour garder cela
le passant

est la trace d’une aile
toujours le vide vent
la vite vie


Bernard Noël

in  » La Moitié du geste « 

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 » toutes les giboulées sont chues


désormais le soir rondement


la lune monte au dessus du laurier


on entend le vent vaguement


dans l’arbre bruissant


comme lui sans mémoire  »


Henri Droguet

in  » Boucans « 

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La langue

03/01/11

Ni l’appelant n’appelle, ni l’appelé n’écoute c’est le vent
Qui converse avec son propre passage.
Il balance des mots dans le vent
Non pas pour dire quelque chose mais
Pour que les mots se désarticulent
Et disparaissent.

La langue est dans ses infimes parcelles
La parole est
L’effacement de la voix.

Dans l’anéantissement des lettres
Dans le vent
La langue.

Wadih Saadeh

in  » Le Texte de l’absence et autres poèmes « 

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Voeux

01/01/11

A notre insu, l’avenir est déjà là et nous attend, tel un grand cerf immobile et silencieux dans notre nuit intérieure.


Que l’an nouveau soit celui de vos espoirs, de vos amours et de la paix.

Gérard



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Rêver de mourir d’être mort de
mourir peu à peu
dans un lit à peine fait
avec les enfants qui jouent
dans la pièce à côté
le bruit feutré des pantoufles sur les
escaliers
une chaise qui se déplace l’odeur
de choses qu’on devra abandonner
la hâte de celui qui t’aime

ce passage imperceptible
d’une saison à l’autre
d’une vie à l’autre qui s’annonce
dans un coup de vent
dans la tache de lumière qui s’agrandit
sur le plancher.


Mauro Fabi

in  » Le Domaine des morts « 

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La courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur,


Un rond de danse et de douceur,


Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,


Et si je ne sais plus tout ce que j’ai vécu


C’est que tes yeux ne m’ont pas toujours vu.


Paul Eluard

in  » Capitale de la douleur « 

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Alchimie

20/12/10

« En traitant du Soufre, du Mercure et du Sel, je n’entends parler que d’une chose

unique, spirituelle ou corporelle; toutes les créatures sont cette chose unique ;

mais les propriétés la différencient. Quand je parle d’un homme, d’un animal, d’une

plante ou d’un être quelconque, tout cela est la même chose unique.

Tout ce qui est corporel est une même essence, plantes, arbres et animaux;

mais chacun diffère selon qu’au commencement le Verbe fiat y a imprimé une

qualité. »


Jacob Böhme

in  » De Signatura « 



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Dis qui tu es, toi qui reposes sur la pierre de l’ennui !


Ton visage ne reflète pas tes jours passés et tes yeux ne livrent pas tes secrets


La tempête qui t’a jeté là ne t’aurait-elle pas suffi ?


Le feu qui a brûlé tes doigts ne t’a-t-il pas apporté la souffrance des dieux ?


Dis, toi qui es assis ici, sur la pierre de l’ennui, le cœur fleurira-t-il un jour ?


La rose de la douleur poussera-t-elle ?


Une larme tombera-t-elle de l’œil du ciel désert ?


Abdo Wazen

in  » La lampe de la discorde « 

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Vibrations

16/12/10

Il y a des blessures, dont seule
la mort délivre

Mais si quelqu’un frappait l’âme,
elle vibrerait longtemps, longtemps
sans bruit

Celui qui la martela
martela en elle
la fierté

Reiner Kunze

in  » Nuit des tilleuls  »

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L’herbe étouffe les obus, l’herbe et son mortier de boue.


L’herbe a oublié le parfum d’infini, sa prime demeure.


Nus avons entrepris de la chauler, nous avons blanchi la parole,


Aussi vrai que nous parlons la langue des autres depuis l’origine.


Nimrod

in  » Babel, Babylone « 

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