Il y a dans notre vie des matins privilégiés où l?avertissement nous parvient, où dès l?éveil résonne pour nous, à travers une flânerie dés?uvrée qui se prolonge, une note plus grave, comme on s?attarde, le c?ur brouillé, à manier un à un les objets familiers de sa chambre à l?instant d?un grand départ. Quelque chose comme une alerte lointaine se glisse jusqu?à nous dans ce vide clair du matin plus rempli de présages que les songes; c?est peut-être le bruit d?un pas isolé sur le pavé des rues, ou le premier cri d?un oiseau parvenu faiblement à travers le dernier sommeil; mais ce bruit de pas éveille dans l?âme une résonance de cathédrale vide, ce cri passe comme sur les espaces du large, et l?oreille se tend dans le silence sur un vide en nous qui soudain n?a pas plus d?écho que la mer.



Julien Gracq ( Le Rivage des Syrtes)



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