"J’ai toujours su que la vie n’existe pas. L’horizon, l’avenir, le réveil ne sont que par ma volonté de les dire. Je ne regrette rien : j’ai voulu vous donner le goût de la marche. Pour vous tenter j’ai dessiné un soleil là-bas et je vous promettais, chaque fois qu’un jour mourait, de vous en donner un autre à la place. Le soleil, les forêts qui enfeuillent l’extrêmité du monde, je les ai découpés à la taille de vos yeux, pour que vous les trouviez à votre éveil. Chaque matin j’ai levé le soleil pour vous, j’ai tenu le monde à bout d’oeil. Aujourd’hui je suis fatigué. Il se peut qu’en mon absence vous cessiez de marcher. Mais le soleil n’est pas à moi, ni la lune, ni les rêves. Tout à l’heure, la terre va tourner autour de mon dernier rêve de voir le réel. Votre réel reste à être rêvé. je ne vous laisse que la trace du mien. Racontez-vous votre vie. Seul ce qu’on se raconte est immortel.

Et surtout, ne me réveillez pas."




Hélène Cixous

in " Le Prénom de Dieu "



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