Le lieu

23/12/09

Le lieu est d’abord un cadre de nature. Il se découvre à la faveur des pas. Au détour

d’un chemin, de la route – d’un chemin plus que de la route – il apparaît. Comme de

lui-même, on dirait, se dégage de son entour, de ce qui n’est, pour le passant hâtif,

qu’un continu de paysage globalement ressenti. Il apparaît, se donne à voir, mais non

d’emblée, ni en pleine évidence. Le lieu ne s’impose pas, comme ferait un site à

découvert, aussitôt admiré ; le lieu n’est pas chose qu’on admire. Il est ce qui nous

parle. D’une voix sourde le plus souvent, et qu’il faut savoir reconnaître, mais bientôt

insistante… C’est une prairie déclive à l’orée d’un bois, montant vers lui d’un

mouvement paisible, avant de se perdre en sa zone d’ombre ; c’est l’eau immobile

d’un étang devinée entre les arbres, ou la mer soudain apparue, masse lisse d’eau

bleue entre deux falaises… Le lieu parle d’ici, avec les moyens d’ici, mais d’ailleurs

aussi bien – comme d’un ailleurs dans l’ici. Il est, bien sûr, à chaque fois une découpe

dans ce qui n’est qu’alentours ou parages indistincts, mais non tout à fait arbitraire et

qui semble en attente d’être avérée, ratifiée, de trouver en nous son écho. A l’analyse

et après coup, on peut même penser qu’il est réellement attente et sourd appel, voix

qui ne demandait pour être telle que d’être si faiblement que ce soit entendue, parole

sinon proférée, du moins proférable du monde.


Roger Munier

in  » Si j’habite « 

lieu

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